lundi 2 mai 2011

Alors qu'il pénétrait la grosse double porte en vitrail du Carlington, l'enquêteur A. H. Donovan réprima une bouffée suintante et froide.
"Au dix-septième, lui souffla la gonzesse de l'accueil, pas d'ascenseur."
Devant la cent soixante treize, il s'arrêta.
Toc toc toc, puis il entra.
L'homme devant lui, affalé dans un sofa empire tâché, griffait le velours en marmonnant. Donovan s'assit par terre et entama la conversation.

"Vous être Colin Nicole. Vous confirmer?"
"Hummmm…"
"Qui être vous, Colin?"
"Je suis Colin. Juste Colin. J'ai bourlingué."
"Je vois, vous être donc grand voyageur."
"J'aime juste dire que j'ai bourlingué."
"Parlez-moi de votre vie."
"J'ai roulé ma bosse. Et puis je suis arrivé ici. Et puis vous êtes arrivé."

Donovan s'avoua avoir du mal avec le cynisme-simpliste-artistico-pédant de CN.
"Où vous être allé, Colin?"
"En Inde."
"Oh, vous aimer l'Inde?"
"J'aime assez."
"Vous aimer contact avec peuple indien?"
"Ils sont sales, ils… ils ont les ongles longs."
"Je vois… Et… vous aimer peuple indien?"
"J'ai dis que non. J'aime pas."

Trois gouttes de sueur touchèrent terre sans pour autant briser la glace.

"Vous aimer votre maman?"
"J'aime ma mère. Tout le monde aime sa mère. Sauf peut être les fils de pute."
"Je vois…"
"C'est quoi cette question?"
"Cela être… juste une question."
"Ah, je vois…"

Le Dictaphone à bande de Donovan enregistrait tout.

"Quoi vous aimer d'autre?"
"Vous allez me poser des questions sur ce que j'aime tout l'après midi?"
"Je vois… Mais quoi vous aimer d'autre?"
"Je… Je vous aime vous."
"Vous aimer moi? Pourquoi?"
"Vous parlez simplement."
"J'ai une maladie."
"Ah? Dites-m'en plus."

Donovan éteignit le dictaphone.

"Je parle simplement. Mais je pense difficilement."
"Vous voulez dire que vous avez du mal à penser?"
"Non. Je vouloir dire… Je pense de façon complexe."
"J'aime la complexité d'esprit qui ne transparait pas dans un monologue pompeux."
"Je vois…"

Colin se releva.

"C'est quoi, votre nom?"
"Astor Hector Donovan."
"Vous aimez bourlinguer, Donovan?"
"Je jamais faire…"
"Vous aimerez, j'en suis sûr…"

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