dimanche 24 avril 2011

la Bamboula Visqueuse



Séverin sauta ce matin là hors du lit de fourrures blondes et enfila ses babouches ornées, jaunes et rouges, grava dans sa porte une croix à l’aide d’un canif et se rendit de pied ferme chez Sylla, le gentleman putain androgynique, pour une bonne séance de récurage buccal à la mode chez tous les hipsters d’ici et d’ailleurs. Il se fit longuement lécher le corps en entier sous une musique acide, une sorte de rock démantibulé et dépressif frayant avec les quelques tonalités psychés du punk britannique old school. Il payait toujours cash, en bon billets découpés, et attrapait sur les coiffeuses des poignées de bonbons poudreux avant de disparaitre, le dos encore luisant de bave corrosive. En bas, sous le porche dégueulasse de grosses pierres sombres, l’attendait Escobar Oglala, son compagnon d’infortune et de déroute. Ensemble, ils allèrent sniffer du dioxygène au mescal dans le tripot rococo de la rue 80, chez Bob’s Bubons, où il faisait bon vivre, malgré les violences, malgré les décès, et malgré les communautés de yippies en déroute qui rongeaient leur frein devant toutes les issues visibles et souterraines. Séverin et Escobar n’eurent pas à se battre cette fois-ci et gagnèrent sans encombre le zinc en cristal derrière lequel Trisha Diva, du haut de ses talons aiguilles de vingt centimètres, distribuait à la volée des tubes bariolés encore fumant qui plongeaient sous sa jupe de skaï en cliquetant, lui arrachant chaque minute de langoureux soupirs d’autosatisfaction. La créature tant male que femelle, ou même infraterrienne, qui sait, releva ses cils tranchants vers les deux arrivants et leur gloussa des avances obscènes. « Trop peu pour nous ! » répondit aussitôt Escobar en glissant son index derrière le tee shirt à l’effigie du Shah d’Iran, juste entre les deux obus tressautant de la serveuse. Là, dans cette colonne de sueur fauve, était un éden obscur accessible aux seuls initiés dont ni lui, ni aucun des vivants de cette foutue ville ne faisaient partie. Ils s’installèrent sur un pouf et, sans parler, tétèrent avidement leur portion journalière de nectar volatile. Quinze minutes plus tard, ils erraient tous deux dans un brouillard opaque du côté d’Angkor Vat ou de Capoue. Bob en personne surgit de derrière un rideau de perlouzes et les pris dans ses bras. « Alors ! Alors ! Alors ! Mais qui voilà ! Les frères trifouille! Venez là, bande de putains rasoirs ! » Bob suait et se répandait en atroces flots d’allusions condamnables. Il ne comprit pas que S & E étaient complètement dans le coaltar et raconta sa vie un moment avant de s’éclipser à l’étage pour aller emmerder un groupe de paumés en vacances. Le voyage insalubre des deux compères prit fin ; ils se levèrent et sortirent en titubant. « Je pourrais dormir mille ans », fit Séverin. Escobar ne répondit pas, mais était d’accord. Ils s’embrassèrent sur le front et se séparèrent, au coin de la 80e et de la 2e. Chacun allait trainer un peu dans le quartier en essayant d’amasser un maximum d’expériences glauques, puis ils se retrouveraient vers deux heures autour d’un steak et d’un cercueil dans le centre-ville.








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